Fascinée par l’univers de Lina Bo Bardi et de son pavillon « Glass House », je me lance à sa découverte avec vous. Je parle de Lina comme si nos chemins s’étaient croisés. Je suis une jeune étudiante en architecture qui explore la vision d’une créatrice et de sa façon de penser l’espace. La sensibilité humaine et architecturale de Lina me lie à elle. Je fais mes premiers pas dans ce domaine à ses côtés à travers cet écrit.
« L'architecture comme un service collectif et comme de la poésie. » – Lina Bo Bardi
Son odyssée
Lina Bo Bardi est une architecte italienne qui s’est envolée pour le Brésil au début de sa vie de couple. Sa sensibilité lui a permis de se faire remarquer dans un métier dominé par les hommes. Une des premières choses que je retiens d’elle, c’est qu’elle parlait de substances plutôt que de matières. C’est en quelque sorte les quatre éléments à sa façon : l’air, la lumière, la nature et l’art.
Pour comprendre son émerveillement étroitement lié à une sensibilité aigüe des choses, revenons sur son parcours. La vie de Lina commence, le 5 décembre 1914. Originaire de Rome, elle y réalise ses études en architecture, puis travaille en tant que rédactrice de la revue Domus, créée par Gio Ponti. Mais la partie la plus importante de sa vie ne se déroule pas dans son pays natal. En effet, tout de suite après avoir marié l’amour de sa vie, Pietro Maria Bardi, ils quittent l’Europe en ruines pour une destination beaucoup plus exotique, Sao Paulo.
Un art avant-gardiste
La personnalité de Lina a fait d’elle une architecte du mouvement moderne. Elle recherche avant tout la proximité avec la nature, la pureté et l’intégration des bâtiments à leur environnement. Je découvre également de nombreux dessins et croquis, faisant penser à de véritables œuvres d’art. Abondance de couleurs, valorisation de la lumière, importance de la profondeur et présence d’échelle humaine, c’est ainsi que je définirais ses plans.
Quelques années après avoir déménagé au Brésil, Lina prend la nationalité brésilienne. Ce n’est pas pour autant qu’elle oublia ses origines, au contraire, elle et son époux apportent une façon de penser Méditerranéenne associée à l’art sud-américain, ce qui créa une toute nouvelle architecture dans le pays. Elle a su mélanger transparence et opacité avec son projet Glass House, maison dans laquelle elle vit en admiration et en synergie.
Je me complais, à découvrir les nombreuses photographies de Lina contemplant la beauté l’entoure du cœur de son œuvre.
L’essence d’un rêve
Je me suis intéressée de plus près à cet édifice, car elle y expérimente la fusion de l’air, la lumière, des œuvres d’art et la nature dans une esthétique minimaliste. Si je vous montrais une photo sans contexte historique, il serait difficile de croire que cette architecture date de 70 ans. Le site a été choisi à proximité de la forêt, sur la plus haute colline de la région de Morumbi, surplombant la végétation à perte de vue. Des murs bruts en béton construisent l’arrière de la maison épousant la topographie du terrain, alors qu’à l’avant les poteaux soutiennent avec légèreté la bâtisse. On pourrait presque croire qu’elle flotte dans les airs. La construction a évolué au fil des années avec vie de Lina.
Prenons pour exemple les deux fours extérieurs, équipement brésilien traditionnel, contrastant avec la cuisine moderne. Il y a une véritable symbiose à la fragilité du verre en opposition à la brutalité du métal et du béton. En addition à ce contraste, un escalier brut relit les deux niveaux. Ce choix constructif est motivé par ses penchants pour ces structures. Lina révèle : « Je n’ai aucun intérêt pour l’aspect fonctionnel des escaliers, mais je suis fascinée par la portée de ces volées de marches. »
Un regard au loin
De plus, Lina joue constamment avec deux notions : le temps et la nature. Elle plante elle-même les arbres qui orneront son jardin. Tout en concevant la nature du lieu elle y intégre son bâtiment. Lina a construit en anticipant la future flore qui viendra un jour l’encercler et apaiser son quotidien.
La cuisine, remplie de gadgets pour économiser temps et espace, tel qu’une table à manger repliable, nous laisse penser que le temps lui manquait parfois. Elle remplit également sa maison avec des statuettes et sculptures d’animaux, j’imagine que c’était une façon d’ajouter de la vie et de la compagnie dans ce pays loin de ses terres.
Cependant, Lina ne se satisfait jamais pleinement de ses créations. Elle confie dans une lettre la frustration « d’un progrès illimité » destinée à son époux : « Notre maison est très belle, le jardin est magnifique, mais aujourd'hui je ne la ferais jamais ainsi […] Aujourd'hui, je ferais une maison avec un four à bois en pierre, sans fenêtres et entourée d'un grand parc boisé.» Ce projet n’a pas uniquement servi de maison pour le couple, mais aussi comme lieu de rencontre pour les intellectuels. On y parle d’idéologies et de culture du pays. Le souhait du couple est que la bâtisse demeure un lieu d’échange. Effectivement, dans les dernières années de leur vie active, ils décident de déclarer leur maison comme bâtiment du patrimoine historique et ont créé l’institut « Bo Bardi » qui perdure jusqu’à aujourd’hui.
Ce projet n’a pas uniquement servi de maison pour le couple, mais aussi comme lieu de rencontre pour les intellectuels. On y parle d’idéologies et de culture du pays. Le souhait du couple est que la bâtisse demeure un lieu d’échange. Effectivement, dans les dernières années de leur vie active, ils décident de déclarer leur maison comme bâtiment du patrimoine historique et ont créé l’institut « Bo Bardi » qui perdure jusqu’à aujourd’hui.
« L’architecture et la liberté architecturale sont avant tout un enjeu social qui doit être vu de l'intérieur d'une structure politique, et non de l'extérieur. » - Lina Bo Bardi
Ressouvenance
Et puisque même la plus belle des fleurs finit par faner, Lina s’éteint en 1992, son époux sept ans plus tard. Cependant, une jolie façon de se souvenir d’eux est de se dire que même après leurs morts, ils continuent de vivre à travers leur maison. En effet, plus vivante que jamais, elle abrite aujourd’hui une partie des œuvres et des collections du couple ainsi que différentes activités dans ces espaces, tels qu’expositions, vidéos, conférences, publications de recherches, réunions et visites.
Lina a toujours pensé à autrui, quel que soit son domaine d’activité. Elle s’efforçait de produire en s’imageant le futur à travers les rapports que les gens pourraient avoir entre eux, les interactions humaines avec la nature, en public ou en privé. Avec un véritable regard d’anthropologue, elle a fait de l’architecture et du design un outil pour améliorer le quotidien, réunir et rassembler les gens. Ses projets étaient toujours menés avec sensibilité et sincère curiosité. Ce qui la distingue, c’est qu’elle a laissé sa marque dans le domaine muséal par ses nombreuses expositions. Son but était de donner de l’autonomie au visiteur. Lina donnait une sorte de « leçon politique » de ce à quoi devait ressembler un musée. « Je n’ai pas choisi la beauté, mais la liberté. »
Sources
institutobardi.org
arquitecturaviva.com
getty.edu