Croquis
Il y a des parents qui diraient de leurs enfants, qu’ils ont tellement d’idées, qu’ils sont destinés à une école d’art. Ce ne fût pas mon cas. Je pense plutôt qu’ils se disaient, que j’avais ma place dans une école faisant la part belle à la sensibilité et à la créativité, et surtout, qui préserverait ma candeur.
J’étais curieuse de tout. J’étais captivée par un rien. L’odeur du vernis dans l’atelier de plâtrerie-peinture de mon papa était comme, un appel à la couleur, comme un voyage lointain et possible, vers la liberté. Sur mon chemin, j’ai fait de jolies rencontres, et je ne m’en rends compte qu’à présent. La définition d’une belle personne consisterait à dire, que c’est quelqu’un qui croit en vous et qui sème, sur votre chemin, des outils si lumineux, qu’ils appellent à répandre des étincelles, et à en faire de même.
Je n’ai jamais voulu faire un métier artistique, à priori. Pour moi, la grande pudique, montrer mon art, consistait à être totalement en phase avec le fait que je ne pouvais pas plaire à tout le monde. Difficile. Inconcevable. Jusqu’à l’ère des réseaux sociaux. Qui permet de s’essayer au regard des autres, sans trop de risques non plus. Au pire, les gens se désabonnent. Au mieux, j’amène un peu de soleil là où je le peux.
Medium
L’écriture, la photographie, l’art en général, ont été de profondes béquilles dans des moments plus sombres, à l’adolescence particulièrement. Mais c’était mon échappatoire, mon dernier recours par moment, pour m’évader, pour me ressourcer. Des passions en somme. J’ai développé un autre regard. Particulièrement en photographie. A la recherche de l’angle de vue. A la recherche de l’angle du cœur.
Puis, comme tout le monde, j’ai vécu une pandémie, qui a redistribué les cartes de nos identités et de la recherche de sens. Ensuite, la naissance de ma fille, quelques mois plus tard, qui m’a permis de redéfinir les priorités et de me dire, que mon métier, au final, je pouvais aussi le façonner, le gribouiller. J’ai donc quitté le salariat, pour devenir … moi.
« Mais quête de sens, implique aussi, des jours sans. »
Je me suis donc enracinée encore plus profondément. Avec ce besoin d’être en extérieur. D’être au milieu des arbres, des fleurs et sûrement, un peu plus à l’écoute de mon cœur aussi. Quelques minutes suffisaient pour une bouffée d’oxygène, et une méditation, qui n’a pas vraiment de mode d’emploi. Les pensées vont, les pensées viennent. Elles dansent. Telles des serpentins.
Quand on devient maman, on entend beaucoup « prends du temps pour toi ». Mais sous quelle forme doit-on prendre ce temps ? Pour moi, cela a été évident. J’ai renoué avec la créativité sous toutes ses formes – j’ai dessiné, sans chercher la perfection, j’ai gribouillé des sourires partout, d’abord sur le papier, par terre, sur des cailloux, puis, sur la tablette.
La perfection en dessin ne m’intéresse pas vraiment. Moi, celles et ceux que je voudrais inspirer en premier, ce sont les enfants (petits et grands) – car ils sont vrais, car ils considèrent un dessin comme un univers, un monde – simple. Ils verront le merveilleux, les couleurs, plutôt que le trait qui n’est pas parfaitement aligné.
« Les enfants sont des optimistes. Et nous nous devons de les respecter dans leur enthousiasme face aux petits riens du quotidien. »
L’illustration offre cette grande richesse, de pouvoir faire ce que l’on veut – comme on le veut – tant que l’on assume pleinement notre style et notre manière de communiquer.
Reconnaissance
Puis, j’ai cherché à remercier, à transmettre, toute ma reconnaissance de ce regard nouveau sur ma personne, que ma fille m’a apporté. Toute la lucidité que cela a amené sur ma mission, à présent : prendre soin d’elle, cultiver la bienveillance et ne plus me cacher.
Ce cadeau, ce fut un livre.
Mélange de photographies d’objets merveilleux trouvés en forêt – feuille, caillou, bout de bois – ainsi que l’illustration. Le récit s’est déroulé devant moi, comme un grand tapis de mousse. J’ai été guidée par l’intuition et j’ai écrit, dessiné, illustré ce livre en très peu de temps.
« Aller vite dans le milieu artistique ne signifie pas bâcler. Cela signifie que l’on est suffisamment convaincu dans la réalisation d’un projet qui nous tient à cœur et auquel on croit. »
Ode à l’enfance
Certains se demandent souvent comment on fait pour avoir plein d’idées.
J’évoque souvent cette citation pour répondre :
« C'est en jouant, et seulement en jouant, que l'individu, enfant ou adulte, est capable d'être créatif et d'utiliser sa personnalité entière. »
– D.W. Winnicott
Tout est inspirant, en particulier lorsque l’on est entourés d’enfants, qui considèrent la vie comme une immense cours de récréation. Ils voient une page blanche comme l’occasion formidable de créer, expérimenter, déchirer, colorier, plier et recommencer.
Je constate souvent que les jouets et les jeux de ma fille peuvent être détournés, réinventés, empilés. Comme les fameux cubes en bois, indémodables, intemporels. Mais cela nécessite de ranger son regard d’adulte au placard, et de chercher à s’amuser avant de vouloir obtenir un résultat.
Encore une fois, il n’y a pas de juste ou de faux – il n’y a que des essais concluants ou des essais qui n’ont pas aboutis.
En définitive, j’ai décidé de créer de l’espace dans tous les pans de ma vie.
En particulier dans mon intérieur - je suis de plus en plus entourée d’objets d’enfants, appréciés tant par leur forme arrondie, que par leur portée ludique. Mais surtout, il y a beaucoup de place pour le vide dans ma décoration. Il m’invite à me réinventer, à laisser de la place à l’essentiel, et à l’inattendu.
Pour m’amuser.
Respirer.
Mais surtout … pour m’inspirer.